Historique

- 1931 - La création du Caneton

Depuis le début du XIXème, les canotiers parisiens empruntaient la Seine sur tout son cours aval. Avec les régates du Havre en juillet, les régatiers parisiens prirent l'habitude de descendre à la mer en groupe. Des "sociétés de régates..." locales furent créées tout le long de la Seine  profitant de ces passages pour organiser quelques courses, faisant ainsi la promotion du lieu. Ainsi celles de Duclair, en aval de Rouen, permettaient de régater mais aussi de constituer une étape agréable. En 1931, la Société des Régates de Duclair semblant moribonde, quelques yachtsmen rouennais appuyés par leurs amis parisiens créèrent le Cercle de la Voile de Seine-Maritime 

Leurs premiers bateaux étaient des "Papillon du Nord-Ouest", puis s'organisa rapidement une flotte de "Star" parrainée par le CVP. Mais ces quillards imposants laissaient la place pour un petit dériveur. Un concours de plans fut lancé dont nous ne connaissons aujourd'hui que le résultat : Le Caneton, dessiné durant l'hiver 1931-1932 par Victor Brix, un Russe blanc réfugié en France. Le choix du nom de ce nouveau monotype se fit, dit-on, au cours d'un repas après le choix du plan, dans un restaurant connu pour ses plats locaux... Le journal "Le Yacht" en février 1932 annonce sa création et la mise en chantier des 12 premières unités. Quelques semaines plus tard, on parle de quatre Caneton supplémentaires... L'homme à l'origine du Caneton, Hervouet, insuffla aussi le sens de l'équipe aux canetonistes, les invitant chaque semaine dans son bar privé jouxtant son garage. Là se forgea un état d'esprit qui emprunta beaucoup à l'humour du "commodore", mêlant causticité et auto-dérision. Là aussi les premiers propriétaires constituèrent l'ASPROCA. Le Caneton aurait pu se développer doucement, au sein du club, comme beaucoup de séries locales...

- 1935 - L'essaimage

Au cours des matchs inter-clubs, le must de la compétion alors, l'habitude était de régater sur les bateaux appartenant au club invitant. Les invités du Cercle de la Voile de Seine-Maritime eurent le loisir de découvrir le Caneton. Mais ces régatiers prestigieux qui défendaient le CV Paris, Le CN Chatou, l'UVV Angers, la SN Marseille etc. avaient au sein de leurs clubs des bateaux appropriés.

Un membre du CVSM, Robert Jeuffrain, habitant de Louviers, fit construire à ses propres frais une vingtaine de bateaux prêts à la vente. La plupart de ces unités  (12) forma une flotte pour naviguer à Muids où Jeuffrain créa en 1935 le CV Muids. Là, il n'était plus question de laisser les Caneton au mouillage pour toute la bonne saison. Chaque jour les bateaux étaient mis à l'eau sur leurs bers roulants. De là à transformer ces bers en remorques de route, puis de se déplacer, en flotte entière par la route, voilà deux "révolutions culturelles" faites par Robert Jeuffrain au milieu des années 1930. Pour l'animation, outre ces déplacements en groupe, il utilisa aussi le cinéma et les invitations sur place.

De cette promotion, les premières flottes se créèrent tout d'abord dans le Nord, la toute première étant au sein du CV Flandres (1937) qui venait de se constituer. Vinrent ensuite (hiver 1937-1938) le  Club Sportif Standart (Port Jérôme), la SR Fécamp et le CN des Saints Peyres à Mazamet. Le premier championnat de France des Caneton eut lieu en 1938, année où la série dépassait le nombre de 100 unités. En 1939, ce même championnat voyait participer 40 équipages de 8 clubs différents. On y voit, outre les flottes anciennes, le CN du Touquet, le YC de la Marne (ancien CV Nogent-Joinville), le CV Triel, le CV Crotoy et l'YCIF (ancien CN Chatou). Le nombre d'unités dépasse 160, juste avant la guerre.     

- 1941 - Le Caneton, monotype reconnu "Série officielle"

Après la "guerre-éclair", les Français sont sous le choc. L'occupant nazi interdit la navigation de plaisance en mer, mais, paradoxalement, cette période profite largement au yachting léger. En effet, la toute nouvelle Fédération Française de Voile, Autorité Nationale mise en place et copieusement aidée par Borotra alors Commissaire aux Sports, favorise le développement des dériveurs pour la navigation intérieure. En offrant des bons-matières pour acheter les matériaux nécessaires à la construction des seules séries officielles de la FFV, Borotra va donner un fabuleux essor au Caneton ainsi qu'au Sharpie de 9 m² (et dans une moindre mesure au Star), les seules séries officielles. Beaucoup de Français ne sont pas revenus de l'Exode : Hervé, du YC de la Marne, s'installe à La Rochelle et ouvre son chantier qui ne produira pendant la guerre que des Caneton. Plus de 400 bateaux de ce type seront construites, souvent par des amateurs, durant ces années d'occupation. Et 27 nouvelles flottes voient le jour...

- 1947 - Les Caneton "à restrictions"

En 1946, force est de constater que nombre de Caneton ne correspondent que de manière très lointaine aux idées précises de la monotypie. Les dirigeants, en suivant les jaugeurs, auraient pu exclure un bon tiers de la flotte entière ! C'eût été casser la dynamique de développement de la classe, et la décision fut prise de créer une nouvelle jauge à restrictions dans laquelle toutes les unités existantes étaient d'office requalifiées. Outre cet avantage certain, la nouvelle jauge permit à nombre d'architectes amateurs ou professionnels d'éclairer d'un jour nouveau la série. La vie du monotype de Brix n'en était pas terminée pour autant puisque près de cent unités supplémentaires s'ajoutèrent aux 711 déjà existentes en 1946.

Evidemment, les architectes proposèrent des concepts nouveaux : Le jeune François Sergent sorti de son apprentissage chez Pierre Staempfli dessina deux plans conformes aux enseignements de son maître, spécialiste du sharpie. Eugène Cornu sortit plusieurs plans dont le "Cornu large" construit, entre autres, chez Baptiste Aubin à La Tortière, près de Nantes. Les champions nantais du SNO demandèrent au constructeur quelques modifications sur ce type qui, dès lors, pris le nom d'Aubin. Un autre jeune constructeur se lança dans la conception, fort de son expérience de régatier : Hervé. Ces quatre plans se partagèrent à peu près la grande part des Caneton à restrictions connus. Outre ces quatre noms populaires dans la classe, il faut ajouter, parmi les professionnels, ceux de Christian Maury (Atlantique), Herbulot (qui dessinait chaque année un bateau de plus en plus en V), Mauric, Grateau, Dervin, Bossuet, Bidoilleau... Mais une bonne vingtaine d'amateurs ont tenté de se mesurer aux architectes et aux constructeurs en dessinant et en réalisant leurs propres conceptions. Citons parmi eux Daniel Guillet, Francis Mouvet, Duflos, Balard, Gancel, Kerdoncuff, Guy Couach...

Après la guerre, la Fédération Française de Voile prend le nom de Fédération Française de Yachting à Voile, mais l'épuration n'atteint pas les élus ! On prend les mêmes et on recommence. Le virage amorcé sous l'Occupation reste maintenu et l'Association des Propriétaires de Caneton navigue "grand largue" ! D'un côté, la FFYV fait la promotion de la série en la choisissant comme support au championnat de France pour 10 ans. De l'autre, l'esprit insufflé par les Hervouet et Jeuffrain reste intact. Il n'est plus trop question de matchs interclubs, mais les compétitions se sont multipliées : Solitaires, Féminins, Juniors, Mixtes, aux points, par clubs, même si le championnat de France reste la grande régate.

Les troisièmes mi-temps sont aussi disputées que les courses sur l'eau, le temps fort de ces réjouissances restant la grande soirée annuelle. Ce jour-là, l'ASPROCA réserve les Folies-Bergères ou un autre grand cabaret à la mode. La salle est décorée aux couleurs de la série et le spectacle-maison doit être décalé pour permettre aux juniors de faire bombance et de recevoir leurs prix... avant de devoir quitter les lieux : le spectacle s'adresse aux adultes ! Puis l'ASPROCA fait son numéro avec l'esprit d'autodérision que le commodore Hervouet a instauré : après les chansons et les danses (danse du canard ou Can-can), les coin-coin d'honneur sont distribués dans une grande mise en scène parodique... Bref, en dehors des juniors, personne n'est couché avant 6 heures du matin !

Ces réjouissances célèbrent en très grande majorité les champions nantais, Roger Tiriau en tête, mais aussi bien d'autres coureurs du SNO qui forment une équipe soudée à l'entrainement comme en compétition. A l'honneur aussi les bateaux de Baptiste Aubin que les Nantais ont su faire évoluer. Les ténors parisiens du CVP, en ordre très dispersé avec des bateaux dissemblables, ne récoltent que des petites breloques. A partir de 1951, l'équipe bordelaise se montre à son avantage avec le Caneton Atlantique, mais sans faire tomber les Nantais de leur piédestal.

Plus de 800 Caneton à restrictions seront construits.

- 1954 - La naissance du "Caneton-505"

En 1952, L'IYRU (International Yachting Racing Association) fait disputer à Loodsrecht, en Hollande des essais pour donner le statut international à un dériveur. Les canetonistes y vont confiants mais le Flyind Dutchman domine les débats et reçoit aussitôt le label international. Les Britanniques et les Français ne sont pas satisfaits de ce choix, trouvant ce bateau trop grand et trop puissant pour 2 équipiers, pas assez évolutif pour les petits plans d'eau et les rivières. Ils demandent et obtiennent d'autres essais qui ont lieu à La Baule en 1953. Tous les ténors anglais, Jack Holt, Uffa Fox, viennent avec des prototypes innovants. Le gratin français présente 6 Caneton plus ou moins modifiés. Mais c'est le Coronet de John Westell qui domine largement le FD et tous les autres concurrents. Pourtant les responsables de l'IYRU ne donnent pas le statut convoité au Coronet. Pour l'obtenir, il faut qu'il ait été construit à une centaine d'unités.

L'ASPROCA, avec son président Alain Cettier en tête, propose alors à John Westell un tour de passe-passe incroyable : réduire le Coronet de 5,50 m à 5,05 m (avec bien d'autres paramètres), le faire adopter comme monotype par l'association pour obtenir rapidement le chiffre fatidique d'unités. Westell accepte et transforme son dessin. Le prototype du 505 est construit dans l'hiver 1953-54 en plein Paris par Michel Bigoin. A Pâques, le bateau est essayé à Meulan. La confrontation avec les autres Caneton achève de convaincre les régatiers. Cettier fait admettre à l'assemblée de l'ASPROCA que la classe se déclinerait désormais en 2 séries !

D'un côté, les coureurs attachés à la compétition se tournent vers le Cinquo, de l'autre, ceux qui continuent sur Caneton à restrictions. Dès que le chiffre d'unités construites le permet (1955), les cinquocinquistes fondent l'International 505 Class et sa branche française. Les fidèles aux restrictions restent seuls au sein de l'ASPROCA. Pourtant les liens tissés entre les amateurs des 2 séries maintenant distinctes restent étroits au point de partager le même journal.

- 1957 - Un nouveau monotype, le "Caneton 57"

La course aux nouveaux concepts à l'intérieur de la jauge à restrictions s'éteint d'elle-même. Les membres de l'ASPROCA se tournent, en 1956, vers Eugène Cornu pour étudier un monotype moderne d'usage familial. Ce sera le "Monotype 57" ou "Caneton 57". Le nouveau monotype correspond parfaitement au cahier des charges fixé par l'ASPROCA. La compétition continue mais sur un autre rythme qu'avant : les "accros" sont sur 505. La vie sociale à l'intérieur de l'ASPROCA se calme aussi. Le seul à rester sur la brêche c'est Eugène Cornu. D'un caractère difficile, il était connu pour se fâcher rapidement. Baptiste Aubin en avait fait les frais en construisant les premiers Caneton Aubin. Et son neveu André Cornu, concepteur du 470 et du Vent d'Ouest, était la cible de ses railleries. Alors que la monotypie du Caneton 57 rapportait une belle rente à Eugène Cornu, celui-ci réussit la prouesse de scier la branche sur laquelle il était assis en se fâchant avec les responsables de l'ASPROCA à cause de ses récriminations perpétuelles. Le bureau de l'association, à contrecoeur, décida en 1969 de ne plus avoir affaire avec cet architecte en choisissant un autre monotype.

Encore un nouveau monotype, le "Caneton Strale" ou "ST 16"

L'ASPROCA décide qu'en 1970 le support nautique de ses activités devienne le Strale, un dériveur sportif pour équipage de poids moyen. Dessiné  en 1964 par Ettore Santarelli, un excellent architecte italien doublé d'un homme chaleureusement humain, cet excellent bateau aurait dû concurrencer le 470 pour les JO. Le constructeur "La Prairie" n'était pas tout à fait à la hauteur des chantiers étrangers, ce qui défavorisait les Français dans les épreuves internationales. Quand ce fabricant exclusif se vit attaquer en justice par le constructeur du "Squale", Gouget, pour concurrence déloyale à cause du nom du monotype, L'ASPROCA et La Prairie débaptisèrent le bateau pour l'appeler "Caneton ST 16". Mais La Prairie dut déposer son bilan en 1978, ne pouvant supporter les sommes allouées à M. Gouget par le tribunal. 

Dans les archives et le registre de l'ASPROCA, l'histoire s'arrête là. 

Visitez le blog de Jean Muller consacré au Strale... 

Aujourd'hui, un seul nom pour beaucoup de types de Caneton

Mais depuis une quinzaine d'années, les rassemblements de bateaux anciens ont fleuri, les vieux dériveurs sont sortis des garages, rénovés et mis à l'honneur. L'ASPROCA était morte ?

Eh bien, vive l'ASPROCA !


Encore une p'tite chanson ? 

"L'Histoire du Caneton"

 

 L’Histoire du Caneton

Sur l’air de « Jeanneton » (mélodie du XVIIième siècle)

 

A Duclair prit son envol

Larirette, larirette,

A Duclair prit son envol

Né de Brix, le Caneton

Né de Brix, le Caneton

 

En chemin fait la rencontre

Larirette, larirette,

En chemin fait la rencontre

A Louviers d'autr's Caneton

A Louviers d'autr's Caneton

 

Avant-guerre on établit

Larirette, larirette,

Avant-guerre on établit

Des flottes de Caneton

Des flottes de Caneton

 

Après guerre on modifie

Larirette, larirette,

Après guerre on modifie

La jauge du Caneton

La jauge du Caneton

 

Caneton de monotype

Larirette, larirette,

Caneton de monotype

Prit l' ticket des restrictions

Prit l' ticket des restrictions

 

La Fédé prit dans ses flottes

Larirette, larirette,

La Fédé prit dans ses flottes

De la France le champion

De la France le champion

 

L'AS-PRO-CA créa ensuite

Larirette, larirette,

L'AS-PRO-CA créa ensuite

Le Cinquo du Caneton

Le Cinquo du Caneton

 

Caneton prit par la suite

Larirette, larirette,

Caneton prit par la suite

Cinquant' sept comme nouveau nom

Cinquant' sept comme nouveau nom

 

De Cornu, un architecte

Larirette, larirette,

De Cornu, un architecte

On app'la ce Caneton

On app'la ce Caneton

 

A la fin de cette histoire

Larirette, larirette,

A la fin de cette histoire

Le Stral' devint Caneton

Le Stral' devint Caneton

 

Caneton de ces six types

Larirette, larirette,

Caneton de ces six types

Se déclinent par millions

Se déclinent par millions

 

Rectifions, milliers doit dire

Larirette, larirette,

Rectifions, milliers doit dire

A la gloire du Caneton

A la gloire du Caneton

 

La morale de cette histoire

Larirette, larirette,

La morale de cette histoire

Pourrait faire une chanson

Pourrait faire une chanson

 

Le garçon qui vous la chante

Larirette, larirette,

Le garçon qui vous la chante

Est-ce Ferrat ou Tartempion ?

Est-ce Ferrat ou Louis Pillon ? 

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